Traductions de chansons célèbres
d'Espagne et d'Amérique hispanique.
El proyecto pedagógico "El cancionero" fue interpretado por el "duo Mala hierba" (Javier Moríñigo / Vincent Milhou) en varios institutos de Ruán, en la sala de concierto "Le bateau ivre" y en la universidad, en 2004.
EL CANCIONERO
Le projet pédagogique. "El cancionero" a été interprété par le "duo Mala hierba" (Javier Moríñigo / Vincent Milhou) dans plusieurs collèges de la région rouennaise, au Bateau Ivre et à l'université, en 2004.
REPERTORIO / RÉPERTOIRE
1. En el frente de Gandesa / Ay, Carmela
(populaire)
2. Al alba (LE Aute)
3. El ramito de violetas (Cecilia)
4. Asturias (Victor Manuel)
5. Mediterráneo (JM Serrat)
6. Pongamos que hablo de Madrid (J Sabina)
7. Adivina adivinanza (J Sabina)
8. Veneno en la piel (Radio Futura)
9. Carta al rey Melchor (A Pla)
10. Duerme negrito (populaire)
11. Quizás quizás quizás (populaire)
12. Preguntitas sobre Dios (A Yupanqui)
13. La resurrección (S Rodríguez)
14. Miami (Fabulosos Cadillacs)
15. Guantánamo (version perso sur l'air de
Guantanamera)
16. Gare au gorille (G Brassens traduit en
espagnol)
1ère partie : chansons espagnoles
Voici un récital un peu particulier, une anthologie de la chanson en espagnol, traduite et adaptée au français. Dans l’autre sens, c’est une chose qui existe depuis déjà longtemps : Georges Brassens a été traduit pratiquement intégralement en espagnol, et même en basque ! Sa chanson « la mauvaise réputation » (« la mala reputación ») a été popularisée outre-Pyrénées par Paco Ibañez, puis dans les années 80 par Loquillo. « Ne me quitte pas » (« No me dejes, no »), de Jacques Brel, a connu, elle aussi, de nombreuses adaptations, et récemment a été éditée une compilation appelée « Chansón flamenca », reprenant Piaf, Ferré ou encore Barbara en flamenco. Par contre, dans le sens inverse, les chansons en espagnol n’ont encore jamais été chantées et diffusées en français.
Au programme, une vingtaine de chansons d’auteurs différents, la moitié pour l’Espagne, et l’autre pour l’Amérique hispanique, rangées dans un ordre plus ou moins chronologique, avec entre les chansons, un commentaire sur l’auteur ou le thème abordé.
Pour commencer notre voyage en Espagne, voici une lettre écrite pendant la guerre civile par un soldat anonyme de l’armée républicaine de l’Ebre, à sa fiancée Carmela.
1. "¡AY CARMELA! / EN EL FRENTE DE GANDESA” (populaire)
Lettre d'un soldat républicain de l'armée de l'Ebre à sa fiancée Carmela.
« Carmela,
Je suis sur le front de Gandesa, dans la glorieuse quinzième brigade. Nous luttons contre des armées venues du Maroc, des curés, des légionnaires et des fachistes. Ici, si je veux manger, je peux toujours aller à l’auberge d’en face. A la porte, il y a un marocain, Mohamed, qui t’invite à entrer. En guise de hors-d’œuvre, il te sert des grenades, et comme plat de résistance de la mitraille, histoire de te rappeler où tu es.
Ay, Carmela ! Ici, sur le front de Gandesa, nous n’avons plus ni munitions, ni tanks, ni canons. Mais qu’importent les bombes, j’ai trop de rage au cœur, et puis, j’ai ton amour.
Si tu veux m’écrire, tu connais mon adresse : le front de Gandesa, en première ligne, sous le feu de l’ennemi. »
Version originale
EN EL FRENTE DE GANDESA (traditionnelle)
Si me quieres escribir, ya sabes mi paradero
En el frente de Gandesa, primera línea de fuego
Y si quieres comer bien para acudir en buena forma
En el frente de Gandesa allí tienes una fonda
A la entrada de esta fonda hay un moro Mohamed
Que te dice “Pasa, pasa. Que vienes para comer”
El primer plato que te da son granadas rompedoras
El segundo de metralla para recordar memoria
¡AY CARMELA! (traditionnelle)
Somos la quince brigada / Que se ha cubierto de gloria – Ay Carmela
Luchamos contra los curas (o "los moros") / Legionarios y fascistas – Ay Carmela
En el frente de Gandesa / No nos quedan municiones/Ni cañones – Ay Carmela
Pero nada pueden bombas / Donde sobra corazón – Ay Carmela
Version Mala hierba
2. AL ALBA (Luis Eduardo Aute) / à l'aurore.
Qu’en est-il de la chanson espagnole pendant la période franquiste ? La chanson contestataire, interdite en Espagne, s’écoutait depuis l’exil. Paco Ibañez chantait à l’Olympia de Paris : ses textes provenaient des grands poètes espagnols comme Lorca, Machado ou Alberti. Point commun avec l’Amérique latine, les grands poètes sont les premiers paroliers des grandes chansons espagnoles, peut-être aussi du fait de l’exil : le public, qui ne parlait pas la langue, pouvait lire les traductions. Ces textes ne figurent pas dans ce répertoire, car ils ont déjà été largement traduits et diffusés.
En Espagne, une chanson célébrissime est apparue en 1976, un an après la mort de Franco : « Al Alba » (« A l’aurore »), de Luis Eduardo Aute. Elle relate la dernière nuit passée par un condamné à mort. Elle est devenue une chanson fétiche pour tous ceux qui ont connu les souffrances de l’après-guerre et de la dictature.
Ses images simples et dures à la fois, sa vision symbolique et onirique le rapproche de poètes comme García Lorca. Ce n’est donc pas un hasard si cette chanson, passée d’interprète en interprète, a été finalement reprise en flamenco récemment par José Mercé
1.
Si je te disais mon amour
Que je crains le lever du jour
Quelles sont ces étoiles dans l’espace
Qui blessent comme des menaces
Sais-tu que la lune s’est tranchée
Et la lune a saigné ?
2.
Les enfants que nous n’avons pas
Semblent deviner déjà
En dévorant les dernières fleurs
Dans les cloaques où ils demeurent
Que le temps qui s’achemine
Se nourrira de famine
3.
Des milliers de vautours dans le ciel
Sans bruit déploient leurs ailes
Mon amour sens-tu la désespérance
De cette silencieuse danse
Maudite ronde de morts
Grains de poussière dans l’aurore
Je pressens que ce long soir
Précèdera la nuit noire
Reste là mon amour encore
Ne m’abandonne pas, à l’aurore
1.
Si te dijera amor mío
Que temo la madrugada
No sé que estrellas son éstas
Que hieren como amenazas
Y sé que sangra la luna
Al filo de su guadaña
2.
Los hijos que no tuvimos
Se esconden en las cloacas
Comen las últimas flores
Parece que adivinaran
Que el día que se avecina
Viene con hambre atrasada
3.
Miles de buitres callados
Van desplegando sus alas
No te destroza amor mío
Esta silenciosa danza
Maldito baile de muertos
Pólvora de la mañana
Presiento que tras la noche
Vendrá la noche más larga
Quiero que no me abandones
Amor mío, al alba
Version originale d'Aute et version de José Mercé
Version Mala hierba
3. EL RAMITO DE VIOLETAS (Cecilia) / Le petit bouquet de violettes.
.La chanson sociale et politique, à l’époque franquiste, était bien entendu censurée. Il ne restait plus que la chanson d’amour : mais que chanter, puisque vous ne pouviez parler ni de séparation, ni d’adultère, ni même de doute, et que vous deviez rester toujours chaste ? Voici maintenant un exemple d’une chanson « Politiquement correcte » pour l’époque. C’est une chanson délicieusement « fleur bleue », c’est le cas de le dire, puisque la chanson s’intitule « Le petit bouquet de violettes » (« Un ramito de violetas »), écrite par Cecilia.
1.
Era feliz en su matrimonio
Aunque su marido era el mismo demonio
Tenía el hombre un poco de mal genio
Y ella se quejaba de que nunca fue tierno
Desde hace ya más de tres años
Recibe cartas de un extraño
Cartas llenas de poesía
Que le han devuelto la alegría
¿Quién le escribía versos, dime quién era?
¿Quién le mandaba flores por primavera?
¿Quién cada nueve de noviembre
Como siempre sin tarjeta
Le mandaba un ramito de violetas?
2.
A veces sueña y se imagina
Cómo será aquel que tanto la estima
Será un hombre más bien de pelo cano
Sonrisa abierta y ternura en las manos
No sabe quién, sufre en silencio
Quién puede ser su amor secreto
Y vive así de día en día
Con la ilusión de ser querida
3.
Y cada tarde al volver su esposo
Cansado del trabajo la mira de reojo
No dice nada porque lo sabe todo
Sabe que es feliz así de cualquier modo
Porque él es quien le escribe versos
El su amante, su amor secreto
Y ella que no sabe nada
Mira a su marido y luego calla
1.
Elle avait bien ses moments de bonheur
Bien que son mari fût un drôle de diable
Avec son malin génie, sa mauvaise humeur
Il n’était jamais tendre ni aimable
Depuis déjà trois ans peut-être
Elle reçoit des lettres d’un inconnu
Pleines de poésies, et ces lettres
Lui ont rendu sa joie perdue
Qui lui écrivait, dis-moi, qui c’était
Tous ces poèmes sans jamais les signer
Qui lui envoyait, chaque année pour sa fête
Sans aucun mot pour les accompagner
Un petit bouquet de violettes ?
2.
Et elle imagine dans ses rêveries
Qui pourrait être ce fervent amoureux
Sans doute un homme mûr aux cheveux gris
Tendresse dans les mains et sourire généreux
Mais quel est donc ce mystérieux amour
Elle n’en sait rien, elle souffre en silence
Elle vit ainsi de jour en jour
Cette anonyme romance
3.
Et lorsque chaque soir rentre son époux
Il lui adresse un regard en coin
Il ne dit rien, mais il sait tout
Si elle est heureuse comme ça, ça lui suffit bien
Car c’est lui qui écrit toutes ces lettres
C’est lui son amant, son amour secret
Et elle qui ignore qui ce peut être
Regarde son mari, puis se tait1.
Version originale
Version Mala hierba
4. ASTURIAS (Victor Manuel) / Asturies.
Les trois chansons qui suivent à présent nous offrent un voyage à travers l’Espagne. La première s’intitule « Asturias » (« Asturies »), écrite par Pedro Garfías, poète asturien mort en exil au Mexique, et interprétée par Victor Manuel.
Les Asturies sont une région de montagnes et de mines sur la côte atlantique, dans le Nord de l’Espagne, célèbre dans l’histoire pour ses mouvements ouvriers réprimés par le gouvernement en 1934, et par sa résistance au franquisme lors de la guerre civile.
Contestataire et communiste dans les années 70-80, proche de la mouvance hippie dans les années 80-90, Victor Manuel a enchaîné dans sa carrière les succès, soit en solitaire, soit en duo avec sa femme, l’actrice et chanteuse Ana Belén.
Asturias si yo pudiera,
si yo supiera cantarte
Asturias verde de montes
y negra de minerales.
Yo soy un hombre del sur
polvo, sol, fatiga y hambre
Hambre de pan y horizontes...
Hambre.
Bajo la piel resecada,
ríos sólidos de sangre
Y el corazón asfixiado,
sin venas para aliviarte.
Los ojos ciegos, los ojos,
ciegos de tanto mirarte
Sin verte Asturias lejana,
hija de mi misma madre.
Dos veces, dos has tenido,
ocasión para jugarte
La vida en una partida,
y las dos te la jugaste.
¿Quién derribará ese árbol,
de Asturias ya sin ramaje?
Desnudo, seco, clavado,
con su raíz entrañable.
Que corre por toda España,
crispándonos de coraje
Mirad obreros del mundo,
su silueta recortarse.
Contra ese cielo impasible,
vertical inquebrantable
Firme sobre roca firme,
herida viva su carne.
Millones de puños gritan,
su cólera por los aires
Millones de corazones,
golpean contra tus cárceles.
Prepara tu salto último,
lívida muerte cobarde
Prepara tu último salto,
que Asturias está aguardándote.
Sola en mitad de la tierra,
hija de mi misma madre.
Asturies, si je pouvais,
si je savais te chanter
Verts sont tes vallées et tes monts,
et noires tes mines de charbon.
Je suis homme du Sud, je reviens,
poussière, soleil, fatigue et faim
Faim d’horizons, faim de pain…
La faim.
Et sous cette peau asséchée,
des rivières de sang coagulé
Coulent vers ton coeur asphyxié,
sans nulle veine pour te soulager.
Les yeux vides, les yeux aveuglés,
de t’avoir trop de fois contemplée
Sans te voir, Asturie lointaine, terre
fille de ma propre mère.
Deux fois, deux fois tu as failli,
tout perdre en une seule partie
Deux fois tu as risqué ta vie,
en misant tout sur un pari.
Mais qui ferait tomber aujourd’hui
l’arbre sans ramage des Asturies
Nu, sec et cloué au monde,
aux racines ensevelies profondes.
Qui à travers toute l’Espagne voyagent,
et nous crispent de courage
Ouvriers du monde, regardez
sa fière silhouette se découper.
Contre le ciel impassible,
vertical et irascible
Ferme contre le ferme rocher,
écorché vif, la chair blessée.
Des millions de poings dans les airs,
levés qui crient leur colère
Des millions de coeurs à l’unisson
frappent contre les prisons.
Prépare ton dernier saut dans le vide,
toi, la mort lâche et livide
Prépare ton dernier saut à l’instant,
l’Asturie est là qui t’attend.
Seule au milieu de la terre,
fille de ma propre mère.
Version originale
Version Mala hierba
5. MEDITERRÁNEO (Joan Manuel Serrat) / Méditerranée.
La « Nova canço » catalane pourrait, à elle seule, faire l’objet d’une anthologie particulière. Pendant le franquisme, les chansons en catalan étaient plus engagées, plus directement politiques que dans le reste de l’Espagne : la langue était déjà elle-même interdite, alors, quitte à être censurés, autant dénoncer directement le régime. Les chansons comme « Al vent » de Raimon (« Au vent », réponse directe au chant franquiste « Cara al sol »), ou « L’Estaca » de Lluis Llach sont devenues des hymnes à la liberté qui couraient de bouche en bouche dans toute la Catalogne. C’étaient les années 60-70, l’époque des concerts épiques qui finissaient par l’intervention des forces de l’ordre, « les gris » comme les appelaient les étudiants.
Du fait de la langue utilisée, le catalan, ces chansons n’entrent pas dans ce répertoire de chansons en espagnol (en « castillan », faudrait-il dire pour être plus exact). Par contre, aux côtés de Raimon et de Lluis Llach, figure un troisième grand chanteur catalan, Joan Manuel Serrat, moins politique que les deux précédents, et qui chantait aussi en castillan. Voici une chanson intitulée « Méditerranée », qui prolonge notre voyage en Espagne.
Quizás porque mi niñez
Sigue jugando en tu playa
O escondido tras las cañas
Duerme mi primer amor
Llevo tu luz y tu olor
Por donde quiera que vaya
Y amontonado en la arena
Tengo amor, juegos y penas.
Yo... Que en la piel tengo el sabor
Amargo del llanto eterno
Que han vertido en ti cien pueblos
De Algeciras a Estambul
Para que pintes de azul
Tus largas noches de invierno
Y a fuerza de desventuras
Tu alma es profunda y oscura.
A tus atardeceres rojos
Se acostumbraron mis ojos
Como el recodo al camino
Soy cantor, soy embustero
Me gusta el juego y el vino
Tengo alma de marinero
¿Qué le voy a hacer, si yo
Nací en el Mediterráneo?
Y te acercas, y te vas
Después de besar mi aldea
Jugando con la marea
Te vas, pensando en volver
Eres como una mujer
Perfumadita de brea
Que se añora y se quiere
Que se conoce y se teme.
Ay... Si un día para mi mal
Viene a buscarme la parca
Empujad al mar mi barca
Con un levante otoñal
Y dejad que el temporal
Desguace sus alas blancas
Y a mí enterrarme sin duelo
Entre la playa y el cielo.
En la ladera de un monte
Más alto que el horizonte
Quiero tener buena vista
Mi cuerpo será el camino
Le dará verde a los pinos
Y amarillo a la genista
Cerca del mar, porque yo
Nací en el Mediterráneo.
Mon enfance continue de jouer
Sur ta plage ou bien cachée
Derrière les roseaux, et dès lors
De mon premier amour qui dort
Je garde la lumière et l’odeur
Où que j’aille où que je demeure
Et en tas sur la fine arène
J’ai ton amour, tes jeux, tes peines.
Moi... Qui sur la peau porte la saveur
Amère des éternels pleurs
Que sur toi versèrent tant de races D’Istambul à Algésiras
Tu peins l’horizon en bleu d’azur
Pour que tes nuits d’hiver soient moins dures Après tant de mésaventures
Tu as l’âme profonde et obscure.
A tes crépuscules rouge feu
Se sont tant habitués mes yeux
Comme le virage au chemin
Je suis chanteur et malandrin
J’aime le jeu, j’aime le vin
J’ai en moi l’âme des marins
Que vais-je y faire si je suis né
Au bord de la Méditerranée?
Tu vas, tu viens, et au passage
Tu embrasses mon village
Au gré de tes marées volages
Tu pars songeant à revenir
Comme une femme qu’on ne peut retenir
Parfumée de goudron et d’embruns
Qu’on regrette et qu’on désire
Qu’on connaît, mais que l’on craint.
Ay... Si par malheur vient le moment
Où me trouveront les parques
Jusqu’à la mer poussez ma barque
Avec vent d’Automne au levant
Laissez-donc que le fil du temps
Vienne éroder ses blanches ailes
Et moi, enterrez-moi simplement
Sans deuil, entre plage et ciel.
Et sur le versant d’une colline
Promontoir perché qui domine
Le fond de l’horizon lointain
Mon corps formera le chemin
Qui fera verdir la cime des pins
Et fera jaunir le genêt
Près de la mer, car je suis né
Au bord de la Méditerranée.
Version originale
Version de niña Pastori
Version Mala hierba
Version duo Inopia
6. PONGAMOS QUE HABLO DE MADRID (Joaquín Sabina) / Mettons que je parle de Madrid.
Après l’Atlantique et la Méditerranée, notre voyage nous conduit vers une ville où la mer ne peut pas se concevoir, Madrid.
La chanson qui suit, écrite par Joaquín Sabina s’intitule « Pongamos que hablo de Madrid » (« Mettons que je parle de Madrid »), nous parle de la vie dans n’importe quelle grande capitale, mais dans son adaptation en français, quelques détails spécifiques de Madrid colorent le texte.
D’autre part, en espagnol, Madrid se prononce “Madríz” ou encore “Madrí” : par conséquent, il a fallu remanier tout le texte, en cherchant des rimes en « ID », comme « aride », « livide », ou « intrépide »… Les chansons en espagnol, ainsi que beaucoup de poèmes contemporains ne riment pas forcément. En espagnol, les rimes concernent les deux dernières syllabes, et sont par conséquent plus recherchées et plus littéraires qu’en français. Par contre, il existe tout un jeu d’allitérations, et d’accents toniques qui rythment les textes et qui sont absolument impossibles à retranscrire en français.
Comment en effet retouver des effets mélodiques comme « Al alba, al alba », ou des effets rythmiques comme «Negrito chiquitito» ? C’est pourquoi, lors de l’adaptation française de tous ces textes, le parti a été pris de les faire rimer, car dans la chanson française, la rime garde son importance, bien qu’il existe des chansons en prose, -comme dans le rap par exemple-, mais avec des rimes internes et qui réclament une musique spécifique.
Allá donde se cruzan los caminos
Donde el mar no se puede concebir
Donde siempre regresa el fugitivo
Pongamos que hablo de Madrid
Donde el deseo viaja en ascensores
Un agujero queda para mi
Que me dejo la vida en sus rincones
Pongamos que hablo de Madrid
La niñas ya no quieren ser princesas
A los niños les da por perseguir
El mar dentro de un vaso de ginebra
Pongamos que hablo de Madrid
Los pájaros visitan al psiquiatra
Las estrellas se olvidan de salir
La muerte viaja en ambulancias blancas
Pongamos que hablo de Madrid
El sol es una estufa de butano
La vida un metro a punto de partir
Hay una jerenguilla en el lavabo
Pongamos que hablo de Madrid
Cuando la muerte venga a visitarme
No me despiertes, déjame dormir
Aquí he vivido, aquí quiero quedarme
Pongamos que hablo de Madrid
Là où les chemins viennent se croiser
La mer s’est perdue dans l’horizon aride
Là où toujours rentrera l’exilé
Mettons que je parle de Madrid
Où le désir voyage en ascenseur
Il y a une place pour moi là où mes pas me guident
Dans tous ces recoins où j’ai tué les heures
Mettons que je parle de Madrid
Les petites filles n’ont plus des allures de ménines
Les petits garçons sont des marins intrépides
Cherchant la mer au fond d’un verre de gin
Mettons que je parle de Madrid
Les oiseaux s’allongent sur les divans des psys
La mort voyage dans des ambulances livides
Il n’y a que les étoiles pour ne pas sortir la nuit
Mettons que je parle de Madrid
Le soleil est un poêle de butane
La vie un métro qui s’élance dans le vide
Il y a des seringues usées dans les toilettes en panne
Mettons que je parle de Madrid
Mais laisse-moi dormir, ne me réveille pas
Le jour où la mort enfin décide
De venir me chercher, je veux que ce soit là
Mettons que je parle de Madrid
Version originale
Version Mala hierba
7. ADIVINA ADIVINANZA (Joaquín Sabina) / Devinettes, devinettes
« Ni Dieu, ni maître, ni C.N.T. », telle est la devise de Joaquín Sabina. C’est un artiste dégagé, libertin plutôt que libertaire: très prolifique, il écrit pour lui, pour les autres, des chansons, des poèmes, et même les paroles du nouvel hymne de l’Atlético Madrid, le club de football des classes populaires madrilènes. Sans aucun doute, c’est actuellement le grand personnage de la chanson espagnole.
Dans le texte suivant il s’agit de deviner de qui nous parlons : dans le texte original, un grand nombre de personnages est cité. Lors de l’adaptation en français, quelques-uns de ces personnages ont été supprimés, afin d’alléger le texte, et car ici, ils sont pratiquement inconnus.
Version originale
Version Mala hierba
Mil años tardó en morirse, pero por fin la palmó.
Los muertos del cementerio están de Fiesta Mayor.
Seguro que está en el cielo, a la derecha de Dios...
Adivina, adivinanza, escuchen con atención:
A su entierro de paisano, asistió Napoleón,
Torquemada y el caballo del noble Cid Campeador,
Millán Astray y Viriato, Tejero y Milláns del Bosch,
el coño de la Bernarda y un dentista de León,
Celia Gámez, Manolete, San Isidro Labrador
y el soldado desconocido, a quien nadie conoció.
Santa Teresa iba dando su brazo incorrupto a Don
Pelayo, que no podía resistir el mal olor.
El marqués de Villaverde iba muy elegantón
con uniforme de gala de la Santa Inquisición,
Bernabeu enciende puros con billetes de millón
y el niño Jesús de Praga de primera comunión.
Mil quinientas doce monjas pidiendo con devoción
al papa santo de Roma pronta canonización,
y un pántano inaugurado de los del plan de Badajoz
y el Ku-Klux-Klan que no vino pero mandó una adhesión.
Nunca enterrador alguno conoció tan alto honor,
dar sepultura a quien era el sepulturero mayor.
Para asistir al entierro, Carrero resucitó
y otra vez, tras los responsos, al cielo en coche ascendió.
Y Rita la cantaora y el huevo de Colón
y una teta disecada de Agustina de Aragón.
a tuna compostelana cerraba la procesión
cantando a diez voces Clavelitos de mi corazón.
Ese día en el infierno hubo gran agitación,
muertos de asco y fusilados bailaban de sol a sol.
Siete días con siete noches duró la celebración
y a cien leguas a la redonda el champán se terminó.
Combatientes de Brunete, braceros de Castellón,
los del exilio de fuera y los del exilio interior
celebraban la victoria que la historia les robó.
Más que alegría, la suya era desesperación.
Como ya habrá adivinado, la señora y el señor, los apellidos del muerto a quien me refiero yo.
Pues colorín colorado, igualito que empezó.
Adivina, adivinanza, se termina mi canción,
Il mit mille ans à agoniser, mais il a fini par crever,
et au cimetière les défunts organisèrent un grand festin.
Sûr qu’à présent il est aux cieux, situé à l’extrême-droite de Dieu…
De qui nous parlons, devinette... Allez, cherchez bien dans vos têtes...
Assistèrent à son enterrement Napoléon évidemment,
Torquemada, mais encore, le cheval du Cid Campéador
campé sur ses quatre pattes, et l’irréductible Viriate,
Tejero, Milláns del Bosch, deux pantins et trois fantôches.
Le torero Manolete et le soldat inconnu,
seul à savoir qui il était, et Sainte Thérèse de Jésus,
qui offrait son bras incorruptible a Don Pelayo qui en pouvait plus
avec cette odeur de sainteté quí était d’une puanteur terrible.
Bernabeu allumait ses cigares avec des liasses de billets,
le marquis de Villaverde en uniforme, pour l’occasion,
de la Sainte Inquisition était très élégamment vêtu.
Il y avait aussi l’enfant Jésus en costume de première communion.
Et puis, 1512 nonnes qui priaient avec dévotion,
implorant au Saint-Père de Rome une prompte canonisation,
et une grenouille d’Extrémadure venue d’un lac artificiel,
qui avait sauté jusqu’au ciel et attendait qu’on l’inaugure.
Il y avait aussi Christophe Colomb et, disséqué, un nichon
D’Agustina de Aragón. Les étudiants de Compostelle
chantaient en cœur la ritournelle « Clavelitos de mi corazón ».
Du Ku-Kux-Klan, il n’y avait personne, mais ils envoyèrent une souscription.
Carrero Blanco, ressucité, monta au ciel dans sa bagnole
qui volait volait dans les airs. Chicote, dans de grands verres
Servait du vin espagnol, aux convives, qui écoutaient
Les quelques vers que José María Pemán récitait.*
Et ce jour-là, en enfer il y eut une grande agitation :
sept jours et sept nuits entières dura la célébration.
Les morts de dégoût, les fusillés dansaient et chantaient à tue-tête,
et ne se termina la fête que quand le champagne eut cessé.
Les exilés de l’extérieur, les exilés de l’intérieur,
combattants de Brunete, journaliers et manouvriers
célébraient cette victoire, que leur avait volé l’histoire.
Plus que de bonheur, ils chantaient de dépit et de désespoir.
De qui nous parlons, devinette, avez vous cherché dans vos têtes?
Vous donnez votre langue au chat? Et bien, alors dans ce cas-là
écoutez bien, faites attention. Arias Navarro, d’une voix qui tremble
annonce à la télévision, en 75, le 20 novembre...
« Españoles, Franco ha muerto »
(*cette strophe est issue d'une version différente, plus ancienne, de la chanson)
8. VENENO EN LA PIEL (Radio Futura) / du poison sous la peau.
Franco est mort en 1975. Les années qui suivent sont celles du défoulement, de la liberté sans entrave. Les années 80 sont marquées par la « Movida » dont Almodóvar est le fer de lance. Il chantait dans les discothèques madrilènes avec le groupe Alaska. Une grande multitude de groupes et de chanteurs de Rock apparaissent, comme Leños, Tequila, ou Kiko Veneno.
C’est l’époque du « déphasage», de la décadence, de la libération sexuelle, de l’apologie des drogues. L’engagement politique est oublié, il s’agit de jouir de l’instant présent. Par opposition à l’époque précédente, les artistes évitent les stéréotypes espagnols dans leurs musiques et leurs textes, et préfèrent le rock international, et l’idéologie du « No Future ».
Un des groupes les plus importants de l’époque était « Radio Futura », dont le leader, Santiago Auserón, a entamé plus tard une carrière remarquable en solitaire, sous le pseudonyme de Juan Perro.
Dicen que tienes veneno en la piel
Es que estás hecha de plástico fino
Dicen que tienes un tacto divino
Y quien te toca se queda con él
Y si esta noche quieres ir a bailar
Vete poniendo el disfraz de pecadora
Pero tendrás que estar lista en media hora
Porque si nó, yo no te paso a buscar
Pero primero quieres ir a cenar
Y sugieres que te lleve a un sitio caro
A ver si aceptan la cartilla del paro
Porque si no, lo tenemos que robar
Yo voy haciendo la cuenta de cabeza
Y tú prodigas tu sonrisa con esmero
Y te dedicas a insultar al camarero
Y me salpicas con espuma de cerveza
Y aquí te espero en la barra del bar
Mientras que tú vas haciendo discoteca
Como te pases te lo advierto, muñeca
Que yo esta vez no te voy a rescatar
Te crees una bruja consumada
Y lo que pasa es que estás intoxicada
Y eso que me dices que ya no tomas nada
Pero me dicen por ahí Que sí, que sí, que sí..
Dices que no soy tu hombre ideal
Mientras hojeas con soltura una revista
Y me pregunto si tendrás alguna pista
O alguna foto de tu tal para cual
Paraît que t’as du poison sous la peau
Et que ta peau c’est du plastique ultra-fin
Et qu’au toucher c’est quelque chose de divin
Mais si on y touche on en tombe vite accro
Et si ce soir tu veux aller danser
Dépêche-toi d’enfiler ton déguisement de pécheresse
Sois prête dans une demi-heure, sinon laisse
Laisse tomber, je ne passerai pas te chercher
Oui, mais d’abord tu veux aller dîner
Et tu me suggères un restaurant super-cher
Ils font des réducs aux chômeurs, j’espère
Parce que sinon, il n’y aura plus qu’à calter
Pendant que je recompte dans ma tête l’addition
Tu prodigues tes beaux sourires qu’t’as appris par cœur
Et tu t’amuses à insulter les serveurs
Et m’éclabousses la mousse de ta pression
Et me voilà acoudé au comptoir
Pendant que toi tu allumes toute la discothèque
Si t’exagères, je me barre aussi sec
Je n’irai pas à ta rescousse ce soir
Tu te prends pour une poupée psyché
Mais tu n’es rien qu’une intoxiquée
Tu me dis que t’y touches plus jamais
Mais moi, c’est pas ce qu’on m’a dit Mais si, mais si…
Tu me dis que je ne suis pas ton genre de type
En feuilletant désinvolte un magazine
T’as pas une photo à montrer que j’imagine
Quel est ton type de mec stéréotype
Version originale
Version Mala hierba
9. CARTA AL REY MELCHOR (Albert Pla) / Mon bon sire.
Quels sont les nouveaux horizons de la chanson espagnole actuelle ? La peur de tomber dans les poncifes de l’espagnolisme semble s’estomper, et on assiste à un retour vers des musiques autochtones, comme Joaquín Sabina, Café Quijano, ou encore La Cabra Mecánica, qui utilisent de nouveau la Rumba pour leurs chansons. Les régions autonomes prennent de plus en plus d’importance, et après la « Nova Canço » catalane, au Pays Basque, en Galice, il y a de plus en plus d’artistes qui s’expriment dans les langues locales. D’autre part, la guerre en Irak et la catastrophe du pétrolier « Le Prestige » a marqué un regain de l’engagement politique chez beaucoup d’artistes, acteurs et chanteurs notamment. Manu Chao crée des liens entre France, Amérique latine et Espagne.
Mais les années 2000 sont surtout les années de « Operación Triunfo » (« Star Academy »), et du piratage des CD : la chanson espagnole de qualité pourra-t-elle résister à ces deux fléaux ?
Dernier avatar de la « Nova Canço », Albert Pla, qui écrit aussi bien en catalan qu’en castillan, s’affronte aux derniers grands tabous de la société et de la politique espagnole. Voici une chanson qui a connu une grande polémique, puisqu’elle s’attaque directement à la monarchie. Le texte a été adapté, et transposé pour la France dans une ambiance de Révolution Française.
Version originale
Version studio avec Xav' et Fernando et version Mala hierba
Majestad
No quisiera ofenderlo, ni irritarlo, majestad
Pero mi deseo es casarme con su hijita, majestad
Quizás sea una osadía pedir la mano de su hija
No me creais oportunista, ni un playboy, mi majestad
No pretendo enriquecerme, ni quiero palacios
Ni pajes, ni yates, no quiero ser duque
Ni tener chambelanes, no deseo aprovecharme
Ni robarle nada, es cuestión de amor
Que estoy loco de amor por la princesa, majestad
Entiéndalo rey mío, por favor compréndalo
Aunque sea soberano, supongo que será humano
Como el resto de sus siervos también tendrá sentimientos
Yo sé que vos realmente también os cagais
Y follais y sudais como yo, esto es real
Así que présteme un poquito de atención
Le hablaré francamente frente a frente, majestad
Quizás yo no sea el yerno que soñó, majestad
Nunca tuve dinero, ni soy conde o caballero
No llego ni a hidalgo, ni a soldado raso
Mi estirpe no es noble, pero mi nobleza
Me obliga a decirle la verdad
Sería mentirle si digo
Que tengo respeto por la monarquía
Siempre me he cagado en las dinastías
En las patrias putas, las banderas sucias
Los himnos de mierda y en la sangre azul
Majestad
Ahora es el real decreto del corazón, majestad
Que me arrastro y reniego por amor, majestad
Pues si la fé mueve montañas, el amor remueve el alma
Aún el ser más consecuente ante el amor pierde su honor
Yo por amor soy capaz de mandar a la mierda
Mis firmes principios de republicano
Cambio de camisa, rindo pleitesía
A la monarquía, y que viva el amor
Que me convirtió en su esbirro, majestad
Solo pensar que quisiera ser mi suegro majestad
Yo le adoro y le adulo, y hasta le beso en el culo
Le prometo ser un bueno, digno yerno majestad
Si me caso me transformo como en este cuento
En que el sapo por un beso se convierte
En un príncipe encantado, y así por un beso de su princesita
Tambien yo me vuelvo en todo lo que usted quiera
Seré su sumiso esclavo, su obediente criado
Su subordinado, su siervo, su lacayo ¡Que viva el rey!
Mon bon Sire
Je ne veux pas vous importuner, ni vous offenser, non, mon Sire
Mais je désire épouser votre fille la princesse Elvire
C’est sans doute une injure, mais Messire, je vous assure
Que je ne suis pas communiste, ni Don Juan, ni opportuniste
Je ne cherche pas les honneurs, les guerres ou les médailles
Je n’ai pas la valeur pour mener des batailles
Je ne veux pas commander, ne veux pas massacrer
Ni rien vous dérober, ni en rien vous contrer
Mais juste tenir la promesse que je fis à la belle Elvire
De demander la princesse en mariage à mon bon Sire
Vous qui êtes souverain, saurez-vous rester humain ?
Comme la masse de vos manants éprouvez-vous des sentiments?
Car vous aussi vous pissez, déféquez, copulez
Non, ne vous fâchez pas, c’est la vie qui veut ça
On est tous faits pareils, alors tendez l’oreille …
Je parlerai franchement avec mes mots de paysan
Je suis Jaquou le croquant et je n’ai pas un sou vaillant
Je ne suis pas même bâtard, rebut d’un droit de cuissage
Méconnaissant les arts, les manières de la Cour
Je parle sans ambage quand je parle d’amour
Ma langue s’est affranchie du servage
Ce serait mentir que de dire
Que j’ai quelque respect pour votre monarchie
Car j’ai toujours conchié vos hymnes et vos patries
Incestueuses dynasties bénies par vos apôtres
Le sang bleu décâti qui fait couler le nôtre
Mais mon seigneur,
Je ne suis pas un menteur et je vous dis du fond du cœur
Que je me damne et je me donne, contre Elvire, je m’abandonne
Car si la foi remue les montagnes, l’amour secoue le fond de l’âme
Moi pour l’amour de ma dame je vouerai mon honneur aux flammes
Moi par amour je pourrai renier mes idées
Mes mœurs un peu païennes et ma liberté vaine
Je changerai de chemise, deviendrai à la Cour
Votre éminence grise, et que vive l’amour !
Le soldat se fait troubadour, mais le pinson se fait vautour…
Plus jamais je ne commettrai le crime de lèse-majesté
Si à présent vous me trouvez digne de lécher Sa Majesté
Je vous lècherai le cul avec les autres parvenus !
Oui, je suis prêt à me vendre, si je suis votre gendre
Mariez-moi à Elvire et je suis votre sbire
Comme un soldat de plomb, avec une langue en bois
Qui ne dit jamais non, mais qui crie : « Vive le roi ! »
2ème partie : Amérique.
10. DUERME NEGRITO (populaire) / Dodo négrillon.
L’Amérique est un immense continent : de la Terre de Feu jusqu’à Miami, on y parle espagnol, certes, mais les réalités sont bien différentes en fonction des pays. Pourtant, il existe des points communs, des thèmes récurrents dans toute la chanson sud-américaine : la première est la forte influence des chansons traditionnelles. Tout le monde connaît « La cucaracha » mexicaine, ou « El cóndor pasa » des Andes, par exemple. Ces thèmes, venus du fond des âges, ont traversé tout le continent, les paroles se sont adaptées en fonction des cultures locales.
C’est le cas pour notre première chanson, une berceuse traditionnelle des Caraïbes, reprise et popularisée par Atahualpa Yupanqui, d’Argentine, et qui s’appelle « Duerme negrito » (« Dodo négrillon »). C’est, comme toutes les chansons traditionnelles, une chanson simple, presque naïve, mais qui nous permet de connaître la condition des noirs dans les plantations. Voici la chanson telle qu’elle pourrait se chanter dans les Antilles francophones.
Duerme, duerme negrito
Que tu mamá esta en el campo
Duerme, duerme negrito
Que tu mamá esta en el campo
Te va a traer
Codornices para ti
Te va a traer
Rica fruta para ti
Te va a traer
Carne de cerdo para ti
Te va a traer
Muchas cosas para ti
Y si negrito no se duerme
Viene el diablo blanco...Zás...
Le pongo la patita...
Duerme, duerme negrito
Que tu mamá esta en el campo
Duerme, duerme negrito
Que tu mamá esta en el campo
Trabajando sí
Trabajando duramente
Trabajando sí
Trabajando noche y día
Trabajando sí
Trabajando y no la pagan
Trabajando sí
Para el negrito chiquitito
Dodo, dodo négrillon
Maman est dans la plantation
Dodo, dodo négrillon
Maman va cueillir le coton
Elle va t’apporter
Des œufs de caille pour toi
Elle va t’apporter
De jolis fruits pour toi
Elle va t’apporter
Du lard fumé pour toi
Elle va t’apporter
Plein de bonnes choses pour toi
Et si négrillon ne dort pas
Vient le diable blanc…Vlan...
On lui fera des croche-pattes…
Dodo, dodo négrillon
Maman est dans la plantation
Dodo, dodo négrillon
Maman va cueillir le coton
Elle doit travailler
A longueur de journée
Elle doit travailler
Elle n’a jamais la paix
Elle doit travailler
Jamais on ne la paie
Elle doit travailler
Pour le tout petit négrillon
Boulot, boulot. Boulot boulot... (ad lib)
Version chantée par Mercedes Sosa
Version Mala hierba
11. QUIZÁS, QUIZÁS, QUIZÁS (populaire) / Qui sait, qui sait, qui sait.
Le premier thème d’inspiration des chansons latino-américaines est l’amour. Ce sont des textes facilement mièvres, guimauves, à l’image des feuilletons qu’on voit de temps en temps à la télévision.
Réellement, l’intérêt n’est pas dans le contenu des textes, mais dans leur musicalité : ce sont des chansons avant tout faites pour danser. Cha cha cha, tango, merengue, salsa, bolero, beaucoup de ces chansons sont universellement connues, comme «Canta y no llores » ou « Bésame mucho », par contre leurs auteurs sont tous pratiquement inconnus. Aux Etats-Unis, ces thèmes ont été popularisés aux côtés des standards du jazz par les porto-ricains et les noirs, comme Nat King Cole, le plus célèbre interprète de la chanson suivante, intitulée « Quizás, quizás, quizás ».
La grande difficulté lors de l’adaptation, bien entendu, a été de trouver la manière de traduire « Quizás », qui signifie « Peut-être ». Voici plusieurs possibilités.
Versions originales
Siempre que te pregunto
Que cuando, cómo y dónde
Tú siempre me respondes
Quizás, quizás, quizás...
Y así pasan los días
Y yo, desesperado
Y tú, tú contestando
Quizás, quizás, quizás...
Estás perdiendo el tiempo
Pensando, pensando
Por lo que tú más quieras
Hasta cuando, hasta cuando
Quand j’essaie de te demander
Où, quand, comment, si tu voudrais
Tu me réponds l’air dégagé
Qui sait, qui sait, qui sait...
Et au fil des jours qui passent
Je désespère, et tu ressasses
Cette réponse qui m’agace
Qui lasse, qui lasse, qui lasse....
Le temps passe, le temps presse
Et je pense sans cesse
Si j’avais la promesse
D’une histoire qui se tasse
Qui s’tasse, qui s’tasse, qui s’tasse...
Qui cesse, qui cesse, qui cesse…
Qui sait, qui sait, qui sait.
Version Mala hierba
12. PREGUNTITAS SOBRE DIOS (Atahualpa Yupanqui) / Quelques questions sur Dieu.
Voici une chanson d’Atahualpa Yupanqui. Indien, marxiste, il reprend la chanson traditionnelle, la chanson paysanne, et lui donne une coloration politique, comme le faisaient les grands poètes, le cubain Nicolás Guillén ou le chilien Pablo Neruda : en Amérique, de manière encore plus prononcée qu’en Espagne, les poètes sont les premiers paroliers, car la chanson est le meilleur moyen pour ces artistes engagés de transmettre leur message à des populations pauvres et souvent illettrées.
La chanson « Preguntitas sobre Dios » (« Quelques questions sur Dieu ») reprend un thème omniprésent dans la culture latino-américaine : Dieu. Sans parvenir à être absolument athée, il tente de concilier les deux tendances contradictoires, le marxisme et le catholicisme de la société paysanne, une ambigüité inhérente à toute la gauche latino-américaine, qui a inventé la notion de « théologie de la libération ».
A mi abuelo pregunté yo
Abuelo que sabes de Dios
Mi abuelo se puso triste
Y nada me respondió
Mi abuelo murió en el campo
Sin rezo ni confesión
Y le enterraron los indios
Flauta de caña y tambor
Al tiempo pregunté yo
Padre que sabes de Dios
Mi padre se puso serio
Y nada me respondió
Mi padre murió en la mina
Sin doctor ni confesión
Color de sangre minera
Tiene el oro del patrón
Mi hermano vive en el monte
No conoce ni una flor
Sudor, malaria, serpientes
La vida del leñador
Y que nadie le pregunte
Si sabe algo de Dios
Por su casa no ha pasado
Tan importante señor
Yo canto cuando estoy libre
Y cuando estoy en prisión
Oigo la voz del pueblo
Que canta mejor que yo
Hay un asunto en la tierra
Más importante que Dios
Es que nadie escupa sangre
Para que otro viva mejor
Que Dios vele por los pobres
Tal vez sí, y tal vez no
Pero seguro que almuerza
A la mesa del patrón
A mon grand-père j’ai demandé
Grand-père que sais-tu de Dieu
Mon grand-père tout à coup s’est tu
Et il a baissé les yeux
Mon grand-père est mort dans les champs
Les indiens l’enterrèrent au son
Du tambour et de la flûte de pan
Sans prière ni oraison
A mon père j’ai demandé
Père, que sais-tu de Dieu
Mon père n’a rien répondu
Et il a pris l’air sérieux
Mon père est mort à la mine
Sans docteur ni confession
C’est le sang d’ouvrier je devine
Qui colore l’or du patron
Mon frère n’a jamais vu de fleur
Dans la jungle, ne pousse rien de bon
Serpents, malaria, sueur
C’est la vie du bûcheron
Et que personne ne vienne lui demander
S’il sait quelque chose de Dieu
Par sa maison n’est jamais passé
Un si important monsieur
Moi, je chante quand je suis libre
Et quand je suis en prison
J’entends la voix du peuple qui vibre
Et chante mieux que moi cette chanson
Car il y a bien plus important
Que de savoir où est Dieu
C’est que personne ne crache le sang
Pour que d’autres vivent mieux
Que Dieu protège les pauvres gens
Peut-être que oui, peut-être que non
Mais c’est sûr qu’il mange du pain blanc
A la table du patron.
Version originale
Version Mala hierba
13. LA RESURRECCIÓN (Silvio Ródriguez) / La résurrection.
Silvio Rodriguez est une légende vivante à Cuba. Avec sa voix aiguë, très particulière, et ses musiques aux accords impossibles, ses textes très imagés, très riches, c’est un immense artiste, extrêmement original et émouvant.
Quel texte choisir parmi toutes ses chansons, qui traitent de sujets très différents ? Voici un texte peu connu, écrit pour un concert au Chili, un voyage initiatique qui remonte aux origines précolombiennes du continent américain.
Con polvo del arauco
Con piedra del azteca
Con sangre del esclavo
Es la resurrección
Que enciende mariposas
Y las arroja al viento
Que da al volcán su coca
Y al trueno su canción
El sol ha sido izado
Por sus primeros sueños
Que aúllan despertando
Por la convocación
El polvo con el polvo
La piedra con la piedra
Se juntan como rostros
Y surge la ciudad
La antigua cordillera
Dibuja el sortilegio
Y el viento va afilando
Cantando a la libertad
Retornan los guerreros
Al grito de la tierra
De nuevo la leyenda
Se hace realidad
Hoy debería contar hasta cien...
El polvo sin mentiras
De piedras con entrañas
Sabiendo que la vida
Es dura como es
Los muertos no equivocan
Su cita con el alba
Los muertos tienen bocas
Y corazón y pies
Los muertos han llegado
El tiempo los convoca
Los muertos son estrellas
Que no tienen revés
De l’araucan, de la poussière
De l’esclave, des gouttes de sang
Et de l’aztèque, voici des pierres
C’est la résurrection. Le Temps
Fait allumer des papillons
Qui s’éparpillent aux quatre vents
Offre la coca au volcan
Et au tonnerre sa chanson
Le soleil dans le ciel se lève
Hissé par ses tous premiers rêves
Qui se réveillent en aboyant
Et répondent à l’appel du Temps
Et la poussière à la poussière
Et la pierre avec la pierre
S’assemblant comme des visages
Surgissent villes et villages
Et la très vieille cordillère
Dessine cet envoûtement
Modelé par le vent chantant
A la liberté dans les airs
Et reviennent les âmes guerrières
Qui répondent au cri de la terre
Voilà la légende qui se fait
De nouveau réalité
Aujourd’hui je devrais compter jusqu’à cent…
Mais la poussière ne ment jamais
Et chaque pierre a des entrailles
Elles savent que la vie est bataille
Que la vie est dure telle qu’elle est
Les morts ne confondront jamais
Leur rendez-vous avec l’aurore
Car ils ont des bouches, les morts
Ils ont des coeurs, ils ont des pieds
Les morts arrivent maintenant
Au point de rendez-vous du Temps
Ce sont des étoiles, des lumières
Qui n’ont pas de revers
Version originale
Version Mala hierba
14. MIAMI (Fabulosos Cadillacs) / Miami.
S’il y avait une capitale pour les deux Amériques anglo-saxonnes et latines, ce serait peut-être Miami. C’est le titre de la chanson suivante des Fabulosos Cadillacs. Fabulosos Cadillacs est un groupe de rock argentin actuel. Ils mélangent des rythmes de toute l’Amérique : reggae, rock, salsa…
Le renouveau de la chanson latino-américaine passe par Miami. Les USA sont maintenant, avec près de 40 millions d’hispanophones, le second ou troisième pays du monde à s’exprimer dans cette langue. L’espagnol se mélange avec l’anglais et porte un nom, le « spanglish ». Déjà, des groupes de rap de Floride ou de Californie l’utilisent dans leurs chansons.
D’autre part, il est intéressant de constater que la religion tient une place importante dans les textes des Fabulosos Cadillacs, chose qu’on aurait du mal à imaginer dans des groupes de rock progressifs en Europe !
Estoy perdido en Miami
Bajo el terrible cielo del Caribe
Soy como la sombra de mí mismo
Celebrando la caída del imperio
Un lugar donde acampar, en este infierno
Gente flotando en el mar de la vergüenza
Como astronautas de T.V. en el espacio
Dios está mirándonos a todos
Nadar hacia la boca del enemigo
Aún los escuchamos cantar, en este infierno
Estás saliendo del ghetto
Como cuando se sale de la tumba
Ser el peón de ajedrez capitalista
Es ser la víctima perfecta en este juego
Hombre rezando a un Dios que no lo escucha
La última moda suena en la radio
El sol se pone sobre el horizonte
¿Cuál será el color de la bandera?
No existe vida espiritual en este infierno.
Je suis perdu à Miami
Aux Caraïbes, sous le ciel assassin
Je ne suis plus que l’ombre de moi-même ici
Dansant sur les débris du rêve américain
Il y a-t-il un coin de paradis, dans cet enfer?
A la télé, on voit des astronautes
Plantant la bannière étoilée dans la nuit
Sur la mer de la honte un radeau flotte
Naviguant droit vers la gueule de l’ennemi
Dieu nous voit tous nous démener, dans cet enfer
Comme un zombi sortirait de la tombe
Je fais les cent pas au-delà du ghetto
Sur l’horizon je vois le soir qui tombe
Quelle est la couleur de ce nouveau drapeau?
Il n’y a rien de spirituel dans cet enfer
Les derniers tubes passent sur radio Miami
Dieu n’écoute pas les humains l’implorer
Au jeu de massacre, je suis la victime choisie
Un petit pion sur le grand échiquier
Mais j’ai encore la force de chanter dans cet enfer…
Version originale
Version Mala hierba
15. GUANTÁNAMO (adaptation personnelle de "Guantanamera", populaire cubaine)
Quelle direction prend la chanson latino-américaine ? Sans doute la chanson engagée se perd-elle, nous sommes loin des années soixante-dix et de ses luttes manichéennes. Les dictatures ont reculé, bien que la misère et la corruption soient bel et bien restées. D’autre part, la mort de Fidel Castro pourrait bien faire délier les langues et entraîner le renouveau de la chanson cubaine, et en même temps rétablir un certaine justice puisque, si les dictatures d’extrême-droite, comme celles du Chili, ont été largement dénoncées, celle de Cuba beaucoup moins.
La nouvelle cible des chansons politiques pourrait aussi devenir les Etats-Unis. L’influence nord-américaine se remarque de plus en plus, dans les musiques et dans les textes. Voici pour finir, un très vieil air cubain, la très célèbre chanson « Guantanamera ». « Guantanamera » signifie « qui vient de la région de Guantánamo », au Sud de Cuba, aujourd’hui tristement célèbre pour sa base nord-américaine et son camp de prisonniers. Voici donc, sur l’air de « Guantanamera », une création personnelle sur ce thème.
Dans la chanson, entièrement en espagnol, un prisonnier de Guantánamo décrit le drapeau des USA : «Je vois la bannière des Etats-Unis, ceux d’en-haut rêvent la tête dans les étoiles, tandis que nous, enfermés entre les barreaux rouges, nous rêvons d’avions qui s’écrasent ».
Guantánamo
No aguanto en Guantánamo
Guantanamera…
Uno aquí se desespera
Nos encontraron en Kazikistán
Pensaron “Aquí sí que están”
Pero aquí no hay ningún suicida
Que nos agarramos a la vida
Si te ofrecen un cigarrillo
Te dicen “Hoy sales, que suerte”
Pero al final del pasillo
Está la silla de la muerte
Yo soy un hombre sincero
El que entra aquí la palma
Acabas en un cenicero
O poco a poco perdiendo el alma
Veo la bandera de Estados Unidos
Los de arriba sueñan en las estrellas
Y entre las rejas rojas metidos
Los demás sueñan que un avión se estrella
Version Mala hierba
Version Inopia
16. GARE AU GORILLE (Georges Brassens) / El gorila (traduit en espagnol)
Pour terminer ce spectacle, voici une chanson un peu différente, puisque ce n'est pas une adaptation de chanson en espagnol... Ici, c'est le principe contraire, une chanson française célèbre, traduite et chantée en Espagnol: « Gare au gorille » de Georges Brassens, Il s’agit d’une traduction personnelle, pas celle que chantait Joaquín Sabina (ojo al gorila).
C'est à travers de larges grilles,
Que les femelles du canton,
Contemplaient un puissant gorille,
Sans souci du qu'en-dira-t-on ;
Avec impudeur, ces commères
Lorgnaient même un endroit précis
Que, rigoureusement, ma mère
M'a défendu d’ nommer ici.
Gare au gorille !...
Tout à coup la prison bien close
Où vivait le bel animal
S'ouvre, on n' sait pourquoi (je suppose
Qu'on avait dû la fermer mal) ;
Le singe, en sortant de sa cage,
Dit : "C'est aujourd'hui que j'le perds !"
Il parlait de son pucelage,
Vous aviez deviné, j'espère !
Gare au gorille !...
L'patron de la ménagerie
Criait, éperdu : "Nom de nom !
C'est assommant, car le gorille
N'a jamais connu de guenon !"
Dès que la féminine engeance
Sut que le singe était puceau,
Au lieu de profiter de la chance,
Elle fit feu des deux fuseaux !
Gare au gorille !...
Celles là même qui, naguère,
Le couvaient d'un œil décidé,
Fuirent, prouvant qu'ell’s n'avaient guère
De la suite dans les idées ;
D'autant plus vaine était leur crainte,
Que le gorille est un luron
Supérieur à l'homm’ dans l'étreinte,
Bien des femmes vous le diront !
Gare au gorille !...
Tout le monde se précipite
Hors d'atteinte du singe en rut,
Sauf une vieille décrépite
Et un jeune juge en bois brut.
Voyant que toutes se dérobent,
Le quadrumane accéléra
Son dandinement vers les robes
De la vieille et du magistrat !
Gare au gorille !...
"Bah ! soupirait la centenaire,
Qu'on pût encor me désirer,
Ce serait extraordinaire,
Et, pour tout dire, inespéré !" ;
Le juge pensait, impassible :
"Qu'on me prenn’ pour une guenon,
C'est complètement impossible..."
La suite lui prouva que non !
Gare au gorille !...
Supposez que l'un de vous puisse être,
Comme le singe, obligé de
Violer un juge ou une ancêtre,
Lequel choisirait-il des deux ?
Qu'une alternative pareille,
Un de ces quatre jours, m'échoie,
C'est, j'en suis convaincu, la vieille
Qui sera l'objet de mon choix !
Gare au gorille !...
Mais, par malheur, si le gorille
Aux jeux de l'amour vaut son prix,
On sait qu'en revanche il ne brille
Ni par le goût ni par l'esprit.
Lors, au lieu d'opter pour la vieille,
Comme l'aurait fait n'importe qui,
Il saisit le juge à l'oreille
Et l'entraîna dans un maquis !
Gare au gorille !...
La suite serait délectable,
Malheureusement, je ne peux
Pas la dire, et c'est regrettable,
Ça nous aurait fait rire un peu ;
Car le juge, au moment suprême,
Criait : "Maman !", pleurait beaucoup,
Comme l'homme auquel, le jour même,
Il avait fait trancher le cou.
Gare au gorille !...
En el pueblo vino un circo
Las mujeres guardaban fila
Y contemplaban en cerco
Un potente gorila
Admiraban especialmente
Cierta parte, que desmadre
De su cuerpo, que formalmente
Me prohibió nombrar mi madre
¡Gorila, gorila!
Cuando la jaula de repente
Donde vivía el animal
Se abrió, porque supuestamente
La habían cerrado mal
El mono por fin en libertad
Pensó : «Será hoy o nada
Hoy pierdo la virginidad
Con alguna de estas monadas»
¡Gorila, gorila!
El dueño del circo decía
« Vaya problemón, el mono
Tiene mono y monomanía
Y nunca tuvo una mona a mano»
El mono gritó « Buga, Buga »
Desoyendo sus hormonas
Ellas se dieron a la fuga
Se fueron a freir monas
¡Gorila, gorila!
Todo el mundo se precipita
Huyendo del mono en celo
Menos una anciana decrépita
Y un juez un poco lelo
Se bambolea, plátano erguido
El cuadrumano a su vez
Hacia los negros vestidos
De la viuda y del juez
¡Gorila, gorila!
«Ba», suspiraba la centenaria
«Que pueda ser yo deseada
Que cosa tan extraordinaria,
Y por cierto, inesperada»
El juez pensaba, impasible
«A mi no me puede tocar»
Era totalmente posible
Y se lo voy a demostrar
¡Gorila, gorila!
Supongamos que alguna vez
Deba violar por obligación
A una anciana o a un juez
¿Cuál sería su elección?
Personalmente, lo tengo claro
Elijo a la vieja, y es normal
Que puede resultar muy caro
Violar la ley en la condicional
¡Gorila, gorila!
Pero si el gorila es un atleta
Que para el amor vale buen precio
A nivel intelectual o esteta
Se sabe que es un poco necio
Pues, en vez de optar por la vieja
Como lo hubiera hecho cualquiera
Agarró al juez por la oreja
Y así se lo llevó la fiera
¡Gorila, gorila!
A mi madre le he prometido
No contar más, y es una pena
Habría sido divertido
Habría valido la pena
Porque en pleno orgasmo
El juez gritaba tan fuerte
Como el hombre a que el día mismo
Había condenado a muerte
¡Gorila, gorila!
Version originale
Version Inopia