Traductions de chansons célèbres
d'Espagne et d'Amérique hispanique.
El proyecto pedagógico "El cancionero" fue interpretado por el "duo Mala hierba" (Javier Moríñigo / Vincent Milhou) en varios institutos de Ruán, en la sala de concierto "Le bateau ivre" y en la universidad, en 2004.
EL CANCIONERO

Le projet pédagogique. "El cancionero" a été interprété par le "duo Mala hierba" (Javier Moríñigo / Vincent Milhou) dans plusieurs collèges de la région rouennaise, au Bateau Ivre et à l'université, en 2004.
REPERTORIO / RÉPERTOIRE
1. En el frente de Gandesa / Ay, Carmela
(populaire)
2. Al alba (LE Aute)
3. El ramito de violetas (Cecilia)
4. Asturias (Victor Manuel)
5. Mediterráneo (JM Serrat)
6. Pongamos que hablo de Madrid (J Sabina)
7. Adivina adivinanza (J Sabina)
8. Veneno en la piel (Radio Futura)
9. Carta al rey Melchor (A Pla)
10. Duerme negrito (populaire)
11. Quizás quizás quizás (populaire)
12. Preguntitas sobre Dios (A Yupanqui)
13. La resurrección (S Rodríguez)
14. Miami (Fabulosos Cadillacs)
15. Guantánamo (version perso sur l'air de
Guantanamera)
16. Gare au gorille (G Brassens traduit en
espagnol)
1ère partie : chansons espagnoles
Voici un récital un peu particulier, une anthologie de la chanson en espagnol, traduite et adaptée au français. Dans l’autre sens, c’est une chose qui existe depuis déjà longtemps : Georges Brassens a été traduit pratiquement intégralement en espagnol, et même en basque ! Sa chanson « la mauvaise réputation » (« la mala reputación ») a été popularisée outre-Pyrénées par Paco Ibañez, puis dans les années 80 par Loquillo. « Ne me quitte pas » (« No me dejes, no »), de Jacques Brel, a connu, elle aussi, de nombreuses adaptations, et récemment a été éditée une compilation appelée « Chansón flamenca », reprenant Piaf, Ferré ou encore Barbara en flamenco. Par contre, dans le sens inverse, les chansons en espagnol n’ont encore jamais été chantées et diffusées en français.
Au programme, une vingtaine de chansons d’auteurs différents, la moitié pour l’Espagne, et l’autre pour l’Amérique hispanique, rangées dans un ordre plus ou moins chronologique, avec entre les chansons, un commentaire sur l’auteur ou le thème abordé.
Pour commencer notre voyage en Espagne, voici une lettre écrite pendant la guerre civile par un soldat anonyme de l’armée républicaine de l’Ebre, à sa fiancée Carmela.
1. "¡AY CARMELA! / EN EL FRENTE DE GANDESA” (populaire)
Lettre d'un soldat républicain de l'armée de l'Ebre à sa fiancée Carmela.
« Carmela,
Je suis sur le front de Gandesa, dans la glorieuse quinzième brigade. Nous luttons contre des armées venues du Maroc, des curés, des légionnaires et des fachistes. Ici, si je veux manger, je peux toujours aller à l’auberge d’en face. A la porte, il y a un marocain, Mohamed, qui t’invite à entrer. En guise de hors-d’œuvre, il te sert des grenades, et comme plat de résistance de la mitraille, histoire de te rappeler où tu es.
Ay, Carmela ! Ici, sur le front de Gandesa, nous n’avons plus ni munitions, ni tanks, ni canons. Mais qu’importent les bombes, j’ai trop de rage au cœur, et puis, j’ai ton amour.
Si tu veux m’écrire, tu connais mon adresse : le front de Gandesa, en première ligne, sous le feu de l’ennemi. »
Version originale
EN EL FRENTE DE GANDESA (traditionnelle)
Si me quieres escribir, ya sabes mi paradero
En el frente de Gandesa, primera línea de fuego
Y si quieres comer bien para acudir en buena forma
En el frente de Gandesa allí tienes una fonda
A la entrada de esta fonda hay un moro Mohamed
Que te dice “Pasa, pasa. Que vienes para comer”
El primer plato que te da son granadas rompedoras
El segundo de metralla para recordar memoria
¡AY CARMELA! (traditionnelle)
Somos la quince brigada / Que se ha cubierto de gloria – Ay Carmela
Luchamos contra los curas (o "los moros") / Legionarios y fascistas – Ay Carmela
En el frente de Gandesa / No nos quedan municiones/Ni cañones – Ay Carmela
Pero nada pueden bombas / Donde sobra corazón – Ay Carmela
Version Mala hierba
2. AL ALBA (Luis Eduardo Aute) / à l'aurore.
Qu’en est-il de la chanson espagnole pendant la période franquiste ? La chanson contestataire, interdite en Espagne, s’écoutait depuis l’exil. Paco Ibañez chantait à l’Olympia de Paris : ses textes provenaient des grands poètes espagnols comme Lorca, Machado ou Alberti. Point commun avec l’Amérique latine, les grands poètes sont les premiers paroliers des grandes chansons espagnoles, peut-être aussi du fait de l’exil : le public, qui ne parlait pas la langue, pouvait lire les traductions. Ces textes ne figurent pas dans ce répertoire, car ils ont déjà été largement traduits et diffusés.
En Espagne, une chanson célébrissime est apparue en 1976, un an après la mort de Franco : « Al Alba » (« A l’aurore »), de Luis Eduardo Aute. Elle relate la dernière nuit passée par un condamné à mort. Elle est devenue une chanson fétiche pour tous ceux qui ont connu les souffrances de l’après-guerre et de la dictature.
Ses images simples et dures à la fois, sa vision symbolique et onirique le rapproche de poètes comme García Lorca. Ce n’est donc pas un hasard si cette chanson, passée d’interprète en interprète, a été finalement reprise en flamenco récemment par José Mercé
1.
Si je te disais mon amour
Que je crains le lever du jour
Quelles sont ces étoiles dans l’espace
Qui blessent comme des menaces
Sais-tu que la lune s’est tranchée
Et la lune a saigné ?
2.
Les enfants que nous n’avons pas
Semblent deviner déjà
En dévorant les dernières fleurs
Dans les cloaques où ils demeurent
Que le temps qui s’achemine
Se nourrira de famine
3.
Des milliers de vautours dans le ciel
Sans bruit déploient leurs ailes
Mon amour sens-tu la désespérance
De cette silencieuse danse
Maudite ronde de morts
Grains de poussière dans l’aurore
Je pressens que ce long soir
Précèdera la nuit noire
Reste là mon amour encore
Ne m’abandonne pas, à l’aurore
1.
Si te dijera amor mío
Que temo la madrugada
No sé que estrellas son éstas
Que hieren como amenazas
Y sé que sangra la luna
Al filo de su guadaña
2.
Los hijos que no tuvimos
Se esconden en las cloacas
Comen las últimas flores
Parece que adivinaran
Que el día que se avecina
Viene con hambre atrasada
3.
Miles de buitres callados
Van desplegando sus alas
No te destroza amor mío
Esta silenciosa danza
Maldito baile de muertos
Pólvora de la mañana
Presiento que tras la noche
Vendrá la noche más larga
Quiero que no me abandones
Amor mío, al alba
Version originale d'Aute et version de José Mercé
Version Mala hierba
3. EL RAMITO DE VIOLETAS (Cecilia) / Le petit bouquet de violettes.
.La chanson sociale et politique, à l’époque franquiste, était bien entendu censurée. Il ne restait plus que la chanson d’amour : mais que chanter, puisque vous ne pouviez parler ni de séparation, ni d’adultère, ni même de doute, et que vous deviez rester toujours chaste ? Voici maintenant un exemple d’une chanson « Politiquement correcte » pour l’époque. C’est une chanson délicieusement « fleur bleue », c’est le cas de le dire, puisque la chanson s’intitule « Le petit bouquet de violettes » (« Un ramito de violetas »), écrite par Cecilia.
1.
Era feliz en su matrimonio
Aunque su marido era el mismo demonio
Tenía el hombre un poco de mal genio
Y ella se quejaba de que nunca fue tierno
Desde hace ya más de tres años
Recibe cartas de un extraño
Cartas llenas de poesía
Que le han devuelto la alegría
¿Quién le escribía versos, dime quién era?
¿Quién le mandaba flores por primavera?
¿Quién cada nueve de noviembre
Como siempre sin tarjeta
Le mandaba un ramito de violetas?
2.
A veces sueña y se imagina
Cómo será aquel que tanto la estima
Será un hombre más bien de pelo cano
Sonrisa abierta y ternura en las manos
No sabe quién, sufre en silencio
Quién puede ser su amor secreto
Y vive así de día en día
Con la ilusión de ser querida
3.
Y cada tarde al volver su esposo
Cansado del trabajo la mira de reojo
No dice nada porque lo sabe todo
Sabe que es feliz así de cualquier modo
Porque él es quien le escribe versos
El su amante, su amor secreto
Y ella que no sabe nada
Mira a su marido y luego calla
1.
Elle avait bien ses moments de bonheur
Bien que son mari fût un drôle de diable
Avec son malin génie, sa mauvaise humeur
Il n’était jamais tendre ni aimable
Depuis déjà trois ans peut-être
Elle reçoit des lettres d’un inconnu
Pleines de poésies, et ces lettres
Lui ont rendu sa joie perdue
Qui lui écrivait, dis-moi, qui c’était
Tous ces poèmes sans jamais les signer
Qui lui envoyait, chaque année pour sa fête
Sans aucun mot pour les accompagner
Un petit bouquet de violettes ?
2.
Et elle imagine dans ses rêveries
Qui pourrait être ce fervent amoureux
Sans doute un homme mûr aux cheveux gris
Tendresse dans les mains et sourire généreux
Mais quel est donc ce mystérieux amour
Elle n’en sait rien, elle souffre en silence
Elle vit ainsi de jour en jour
Cette anonyme romance
3.
Et lorsque chaque soir rentre son époux
Il lui adresse un regard en coin
Il ne dit rien, mais il sait tout
Si elle est heureuse comme ça, ça lui suffit bien
Car c’est lui qui écrit toutes ces lettres
C’est lui son amant, son amour secret
Et elle qui ignore qui ce peut être
Regarde son mari, puis se tait1.
Version originale
Version Mala hierba
4. ASTURIAS (Victor Manuel) / Asturies.
Les trois chansons qui suivent à présent nous offrent un voyage à travers l’Espagne. La première s’intitule « Asturias » (« Asturies »), écrite par Pedro Garfías, poète asturien mort en exil au Mexique, et interprétée par Victor Manuel.
Les Asturies sont une région de montagnes et de mines sur la côte atlantique, dans le Nord de l’Espagne, célèbre dans l’histoire pour ses mouvements ouvriers réprimés par le gouvernement en 1934, et par sa résistance au franquisme lors de la guerre civile.
Contestataire et communiste dans les années 70-80, proche de la mouvance hippie dans les années 80-90, Victor Manuel a enchaîné dans sa carrière les succès, soit en solitaire, soit en duo avec sa femme, l’actrice et chanteuse Ana Belén.
Asturias si yo pudiera,
si yo supiera cantarte
Asturias verde de montes
y negra de minerales.
Yo soy un hombre del sur
polvo, sol, fatiga y hambre
Hambre de pan y horizontes...
Hambre.
Bajo la piel resecada,
ríos sólidos de sangre
Y el corazón asfixiado,
sin venas para aliviarte.
Los ojos ciegos, los ojos,
ciegos de tanto mirarte
Sin verte Asturias lejana,
hija de mi misma madre.
Dos veces, dos has tenido,
ocasión para jugarte
La vida en una partida,
y las dos te la jugaste.
¿Quién derribará ese árbol,
de Asturias ya sin ramaje?
Desnudo, seco, clavado,
con su raíz entrañable.
Que corre por toda España,
crispándonos de coraje
Mirad obreros del mundo,
su silueta recortarse.
Contra ese cielo impasible,
vertical inquebrantable
Firme sobre roca firme,
herida viva su carne.
Millones de puños gritan,
su cólera por los aires
Millones de corazones,
golpean contra tus cárceles.
Prepara tu salto último,
lívida muerte cobarde
Prepara tu último salto,
que Asturias está aguardándote.
Sola en mitad de la tierra,
hija de mi misma madre.
Asturies, si je pouvais,
si je savais te chanter
Verts sont tes vallées et tes monts,
et noires tes mines de charbon.
Je suis homme du Sud, je reviens,
poussière, soleil, fatigue et faim
Faim d’horizons, faim de pain…
La faim.
Et sous cette peau asséchée,
des rivières de sang coagulé
Coulent vers ton coeur asphyxié,
sans nulle veine pour te soulager.
Les yeux vides, les yeux aveuglés,
de t’avoir trop de fois contemplée
Sans te voir, Asturie lointaine, terre
fille de ma propre mère.
Deux fois, deux fois tu as failli,
tout perdre en une seule partie
Deux fois tu as risqué ta vie,
en misant tout sur un pari.
Mais qui ferait tomber aujourd’hui
l’arbre sans ramage des Asturies
Nu, sec et cloué au monde,
aux racines ensevelies profondes.
Qui à travers toute l’Espagne voyagent,
et nous crispent de courage
Ouvriers du monde, regardez
sa fière silhouette se découper.
Contre le ciel impassible,
vertical et irascible
Ferme contre le ferme rocher,
écorché vif, la chair blessée.
Des millions de poings dans les airs,
levés qui crient leur colère
Des millions de coeurs à l’unisson
frappent contre les prisons.
Prépare ton dernier saut dans le vide,
toi, la mort lâche et livide
Prépare ton dernier saut à l’instant,
l’Asturie est là qui t’attend.
Seule au milieu de la terre,
fille de ma propre mère.
Version originale
Version Mala hierba
5. MEDITERRÁNEO (Joan Manuel Serrat) / Méditerranée.
La « Nova canço » catalane pourrait, à elle seule, faire l’objet d’une anthologie particulière. Pendant le franquisme, les chansons en catalan étaient plus engagées, plus directement politiques que dans le reste de l’Espagne : la langue était déjà elle-même interdite, alors, quitte à être censurés, autant dénoncer directement le régime. Les chansons comme « Al vent » de Raimon (« Au vent », réponse directe au chant franquiste « Cara al sol »), ou « L’Estaca » de Lluis Llach sont devenues des hymnes à la liberté qui couraient de bouche en bouche dans toute la Catalogne. C’étaient les années 60-70, l’époque des concerts épiques qui finissaient par l’intervention des forces de l’ordre, « les gris » comme les appelaient les étudiants.
Du fait de la langue utilisée, le catalan, ces chansons n’entrent pas dans ce répertoire de chansons en espagnol (en « castillan », faudrait-il dire pour être plus exact). Par contre, aux côtés de Raimon et de Lluis Llach, figure un troisième grand chanteur catalan, Joan Manuel Serrat, moins politique que les deux précédents, et qui chantait aussi en castillan. Voici une chanson intitulée « Méditerranée », qui prolonge notre voyage en Espagne.
Quizás porque mi niñez
Sigue jugando en tu playa
O escondido tras las cañas
Duerme mi primer amor
Llevo tu luz y tu olor
Por donde quiera que vaya
Y amontonado en la arena
Tengo amor, juegos y penas.
Yo... Que en la piel tengo el sabor
Amargo del llanto eterno
Que han vertido en ti cien pueblos
De Algeciras a Estambul
Para que pintes de azul
Tus largas noches de invierno
Y a fuerza de desventuras
Tu alma es profunda y oscura.
A tus atardeceres rojos
Se acostumbraron mis ojos
Como el recodo al camino
Soy cantor, soy embustero
Me gusta el juego y el vino
Tengo alma de marinero
¿Qué le voy a hacer, si yo
Nací en el Mediterráneo?
Y te acercas, y te vas
Después de besar mi aldea
Jugando con la marea
Te vas, pensando en volver
Eres como una mujer
Perfumadita de brea
Que se añora y se quiere
Que se conoce y se teme.
Ay... Si un día para mi mal
Viene a buscarme la parca
Empujad al mar mi barca
Con un levante otoñal
Y dejad que el temporal
Desguace sus alas blancas
Y a mí enterrarme sin duelo
Entre la playa y el cielo.
En la ladera de un monte
Más alto que el horizonte
Quiero tener buena vista
Mi cuerpo será el camino
Le dará verde a los pinos
Y amarillo a la genista
Cerca del mar, porque yo
Nací en el Mediterráneo.
Mon enfance continue de jouer
Sur ta plage ou bien cachée
Derrière les roseaux, et dès lors
De mon premier amour qui dort
Je garde la lumière et l’odeur
Où que j’aille où que je demeure
Et en tas sur la fine arène
J’ai ton amour, tes jeux, tes peines.
Moi... Qui sur la peau porte la saveur
Amère des éternels pleurs
Que sur toi versèrent tant de races D’Istambul à Algésiras
Tu peins l’horizon en bleu d’azur
Pour que tes nuits d’hiver soient moins dures Après tant de mésaventures
Tu as l’âme profonde et obscure.
A tes crépuscules rouge feu
Se sont tant habitués mes yeux
Comme le virage au chemin
Je suis chanteur et malandrin
J’aime le jeu, j’aime le vin
J’ai en moi l’âme des marins
Que vais-je y faire si je suis né
Au bord de la Méditerranée?
Tu vas, tu viens, et au passage
Tu embrasses mon village
Au gré de tes marées volages
Tu pars songeant à revenir
Comme une femme qu’on ne peut retenir
Parfumée de goudron et d’embruns
Qu’on regrette et qu’on désire
Qu’on connaît, mais que l’on craint.
Ay... Si par malheur vient le moment
Où me trouveront les parques
Jusqu’à la mer poussez ma barque
Avec vent d’Automne au levant
Laissez-donc que le fil du temps
Vienne éroder ses blanches ailes
Et moi, enterrez-moi simplement
Sans deuil, entre plage et ciel.
Et sur le versant d’une colline
Promontoir perché qui domine
Le fond de l’horizon lointain
Mon corps formera le chemin
Qui fera verdir la cime des pins
Et fera jaunir le genêt
Près de la mer, car je suis né
Au bord de la Méditerranée.
Version originale
Version de niña Pastori
Version Mala hierba
Version duo Inopia