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Jean-Jean, con-con pour enf...

C’était un enfant qui s’appelait Jean-Jean. Jean-Jean, il s’appelait, l’enfant… Enfin, Jean-Jean c’était son surnom, en réalité il s’appelait Jean, mais on le surnommait Jean-Jean, pas Jean, comme il s’appelait réellement.

 

Et pourquoi donc ? Oui, Pourquoi ? Parce que, depuis sa plus tendre enfance, Jean-Jean n’écoutait que quand on lui disait deux fois les choses. Deux fois, il fallait dire les choses, sinon, il n’écoutait pas, et cela, depuis sa plus tendre enfance.

 

À longueur de journée, à la maison, c’était :

« Jean-Jean, va te laver les mains. Les mains, Jean-Jean ! »

« Jean-Jean, dépêche-toi ! Dépêche-toi, Jean-Jean ! »

« Débarrasse le couvert, Jean-Jean ! Jean-Jean ! Le couvert ! Débarrasse-le ! »

 

C’était comme ça, à la maison… À longueur de journée ! À l’école, pareil. Pareil ! Sa maîtresse demandait :

 

– Combien font un plus un, Jean-Jean ? Un plus un, ça fait combien ?

 

Elle demandait, la maîtresse, à l’école, et Jean-Jean répondait :

 

– Deux-deux, répondait Jean-Jean.

– Deux-deux ? Quatre ?

– Hein ?

– Un ? Ou quatre ? Ce n’est pas plutôt deux, Jean-Jean ?

– Hein ?

– Ce n’est pas plutôt deux, Jean-Jean ?

– Oui, deux, maîtresse.

– Oui, deux, maîtresse…, soupirait l’institutrice.

 

Et elle soupirait, l’institutrice, elle soupirait, soupirait tout le temps, du lundi au vendredi et du vendredi au lundi, tout le temps.

 

« Ah, ce Jean-Jean, ce Jean-Jean, ah ! Sacré Jean-Jean, va, sacré Jean-Jean ! »

 

 

Un jour le directeur de l’école appela les parents de Jean-Jean. Les parents de Jean-Jean furent donc appelés par le directeur de l’école, parce que ça n’allait pas du tout, mais alors quand je dis pas du tout, je dis pas du tout du tout.

 

– Mamade, sonmieur, votre fils a léarisé zlupieurs tests chypsomoteurs, et les zlupieurs tests chypsomoteurs léarisés par votre fils nous inquident qu’il ne souffre pas de dyxéslie. Donc, la dyxéslie, il n’en souffre pas, sonmieur et mamade, comme nous l’inquident bien ces tests.

– Hein ?

– Un ? Non, pas un. Zlupieurs, zlupieurs tests.

– Euh… Qu’est-ce que la dyxéslie ?

– Qu’est-que ce la dyxéslie ? Le fait d’invétertir les byllasses. Dire dyxéslie au lieu de dire dyxéslie, par épemxle. Par épemxle. Mais le plobrème de Jean-Jean est fidérent, c’est un plobrème écudationnel. Oui, fidérent, c’est écudationnel, chez Jean-Jean.

 

Le directeur expliqua, dans un jargon médico-didactique absolument abscons, que l’enfant souffrait d’un trouble de la perception phonologico-symétrique, qui pouvait conduire à une redondance de la comprenite aiguë s’il n’était pas traité à temps, et que cela était sans doute dû au fait que l’entourage de Jean, depuis sa naissance, ne proposait à celui-ci que des assertions doublées, du type « dodo l’enfant do, t’auras du lolo », ou « oh il s’est fait bobo, le bébé à papa, oh qu’il est beau le bébé à mémé ».

 

Les parents ne comprirent rien de ce que leur dit le directeur, rien de rien, le directeur avait tout dit en une seule fois, et eux, évidemment, ils n’avaient rien compris. Évidemment, quand on dit tout ça une seule fois…

 

– Vous poncrenez qu’il faut réécuder votre enfant tout de tuisse ? Tout de tuisse. Le réécuder, vous poncrenez, mamade ? Plus tard, ce serait trop tard. Et trop tard, c’est trop tard, mamade.

– Oui, oui, monsieur le directeur… Bien sûr, bien sûr, monsieur le directeur.

 

 

Le principe de la rééducation était très simple. Il suffisait de ne plus rien répéter à Jean, et tant pis s’il n’écoutait pas.

 

Une seule fois « Jean, on mange ! », une seule fois, et s’il n’écoutait pas, tant pis, Jean ne mangeait pas.

 

Une seule fois « Jean, fais tes devoirs ! », une seule fois, et s’il n’écoutait pas, tant pis, Jean ne faisait pas ses devoirs.

 

Donc, très simple, la rééducation… Ne plus rien répéter à Jean, et en principe, ça suffisait. En principe, parce que… Parce que dans la pratique… Dans la pratique… Sacré Jean-Jean, va, sacré Jean-Jean…

 

En fait, Jean-Jean, il bouffait comme quatre, en cachette, et il faisait ses devoirs en moins de deux, Jean-Jean, en fait. Et comme, en cachette, il bouffait comme quatre, tour à tour des quatre-quarts, ou des kit-kat quatre par quatre au quart de tour, il était devenu gros, mais alors gros-gros, qu'il était devenu, pas juste « gros », et vraiment nul en classe. Nul en classe, vraiment, au grand désespoir de ses parents et de sa maîtresse, grandement désespérés.

 

Mais un jour… Un jour… Alors qu’il allait traverser la rue avec sa mère, sa mère lui cria, juste au moment où il allait traverser la rue :

 

– Atten…. ! lui cria-t-elle.

 

Et Jean-Jean, en moins de temps qu’il n’en faut pour… Hop… Sauta pour éviter le bus qui allait le…

 

– Jean, dans mes bras, mon f… !

– Maman !

– Tu m’as vraiment fait peur, tu…

– Oui, je sais, maman, excuse-moi, je suis beaucoup trop étourdi.

– Mais, mais, au fait, Jean-Jean, ton problème, ton problème de…

– Disparu, maman, disparu. Ça y est, j’ai enfin compris. Maintenant j’écouterai toujours dès la première fois, c’est promis.

 

 

Bon, vous pensez, ça y est, tout est bien qui finit eh bien non, détrompez-vous, parce que depuis, Jean-Jean ne laissait plus jamais les gens finir leurs… À peine les autres avaient la bouche ouverte, que Jean-Jean… Paf !

 

Par exemple, à l’école, la maîtresse…

 

– Combien font deux… ?

– Deux, madame !

 

Impossible à… Jean-Jean était devenu complètement impossible à… C’était vraiment pire que… Autre exemple :

 

– Quelle est la ville de…

– Eu, madame, c’est une petite ville, en Normandie, madame.

 

Ou encore…

 

– Jean-Jean, non, je t’ai déjà dit que tu ne peux pas sortir de classe, ou alors, à l’extrême rigueur, si…

– Si, vraiment, je peux madame ? Merci, madame !

 

Et l’institutrice, elle pfffffff… Du lundi au jeudi, et pas le vendredi parce que dès le premier vendredi elle s’était mise en arrêt, parce qu’elle en avait vraiment plein les… « Sacré Jean-Jean, va, sacré Jean… J’en… J’en peux plus, j’en… » Ah oui, ça, l’institutrice, pffffffff… Dès le lundi, elle pffff…

 

 

 

Mais un jour, dans la rue, alors que Jean-Jean était avec sa mère en train de… Enfin, non, pas en train, à pied, dans la rue… Bref, c'est exactement la même situation que… La mère… :

 

– Atten… !

 

Et bien sûr le gamin… hop !

 

Eh bien figurez-vous que Jean-Jean, croyant éviter un bus, s’est fait renverser par un cycliste, sur le trottoir. La mère n’avait pas voulu dire « attention », mais bel et bien « attends, ne bouge pas ! » Et voilà, c’est fini, et je peux enfin parler normalement, parce que Jean-Jean, après ce second incident, a enfin compris à parler et écouter quand il devait le faire. Et maintenant, les mômes, je vous dis bonne nuit, et comme j’espère que vous avez très bien compris la morale de cette histoire, je sais que n’aurai pas à vous le dire deux fois. Donc on éteint la lumière et on dort. Bonne nuit.

 

– Oh non, papa, papa une autre, une autre, papa !

– Non, j’ai dit dodo ! Dodo ! J’ai d… !

– Une autre, allez !

– Non, non, non! Et quand je dis non, c’est non, nom de nom ! Je vous promets que si…

– Si ? Oh merci, papa, je savais que t’allais dire oui !

 

Pffff… Il y a des jours, entre le lundi et le dimanche et vice-versa, que je pfffffff… Ah, sacrés mômes, va, sacrés mômes ! Quel beaux enf…

 

Quand même…

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